Droit social : allocations familiales pour les travailleurs frontaliers
Droit social : l’arrêt de la Cour Supérieure de Justice de l’Union Européenne du 2 avril 2020 met (enfin) fin à cette discrimination.
Les travailleurs frontaliers peuvent désormais prétendre aux allocations familiales même s’ils n’ont pas de lien de filiation directe avec les enfants qui vivent dans leur ménage.
Depuis la réforme des allocations familiales intervenue à l’occasion de la loi du 23 juillet 2016, de nombreuses familles recomposées de frontaliers se sont vues refuser l’octroi des allocations familiales.
Le motif fondant ces refus réside dans le fait que seuls les enfants biologiques du travailleur frontalier demandeur pouvaient y prétendre, le Code de la Sécurité sociale retenant désormais que sont à considérer comme membres de famille d’une personne i) les enfants nés dans le mariage ii) les enfants nés hors mariage et iii) les enfants adoptifs de cette personne, de telles qualités donnant droit à l’allocation familiale.
Par application de cette réforme, les allocations familiales de nombreux frontaliers ont ainsi été supprimées pour les enfants vivant dans leur ménage et certains, qui avaient continué à en bénéficier, ont dû faire face — deux ans plus tard — à des demandes de remboursement des montants considérés par la Caisse pour l’Avenir des Enfants comme indûment payés.
Saisi d’un recours en la matière suite au refus de paiement des allocations familiales en faveur d’un travailleur frontalier élevant dans son ménage l’enfant de sa compagne, le Conseil supérieur de la sécurité sociale a fait le choix de poser une question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union Européenne (« CJUE »).
Par un arrêt — très attendu — qui a été rendu le 2 avril 2020, les magistrats de la CJUE ont retenu que l’allocation familiale liée à l’exercice par un travailleur frontalier, d’une activité salariée dans un Etat membre, constitue un avantage social, et une prestation de sécurité sociale, lesquels sont acquis par le frontalier conformément aux principes de droit communautaire d’assimilation.
Sans surprise, le Luxembourg est donc sanctionné par la CJUE, les magistrats ayant estimé qu’il y a eu « discrimination indirecte fondée sur la nationalité» et partant « rupture du principe d’égalité de traitement » entre travailleurs résidents et travailleurs non-résidents : c’est donc une véritable victoire pour les familles recomposées de frontaliers.
Le Conseil supérieur de la sécurité sociale de Luxembourg devra inévitablement se conformer à cette décision rendue par le juge communautaire et admettre au bénéfice des allocations familiales les enfants vivant dans le ménage du travailleur frontalier, même s’ils ne sont pas ses enfants biologiques.
La Caisse pour l’Avenir des Enfants le reconnait elle-même aux termes de son communiqué du 14 avril 2020: « une adaptation législative des conditions d’octroi pour l’allocation familiale est inévitable » : https://cae.public.lu/fr/actualites/2020/EDC_FR.html .
Désormais, tous les enfants du foyer d’un travailleur frontalier, auquel le conjoint ou le partenaire enregistré pourvoit à l’entretien, doivent bénéficier des droits sociaux luxembourgeois,qu’ils aient ou non un lien de filiation avec lui.
Il est important pour toutes les personnes concernées qui n’ont pas fait de recours contre le refus initial, d’introduire au plus vite leur demande d’allocations familiales auprès de la Caisse pour l’Avenir des Enfants car le versement ne sera effectué qu’avec effet rétroactif sur les douze derniers mois à compter de l’introduction de ladite demande.