Dématérialisation de la commande publique : modification des règlements grand-ducaux des 27 août 2013 et 8 avril 2018

Le règlement grand-ducal du 25 janvier 2019 portant modification du règlement grand-ducal du 27 août 2013 et du règlement grand-ducal du 8 avril 2018 portant exécution de la loi du 8 avril 2018 sur les marchés publics (ci-après « RMP 2018 ») vient d’être publié au Mémorial (http://legilux.public.lu/eli/etat/leg/rgd/2019/01/25/a172/jo) et entrera en vigueur le 25 mars 2019. A noter que ce projet avait fait l’objet d’un avis du Conseil d’Etat le 9 octobre 2018 (https://conseil-etat.public.lu/dam-assets/fr/avis/2018/09102018/53064.pdf).
Au niveau des modifications du règlement de 2013 relatif à l’utilisation des moyens électroniques, la version du texte proposée par le Conseil d’Etat à l’occasion de son avis a été largement reprise mais il est toutefois possible de dénoter quelques divergences :
– Au nouvel article 13, il est prévu que c’est uniquement l’offre qui doit être signée électroniquement, alors que le Conseil d’Etat avait préconisé de viser non seulement l’offre mais aussi « la formule d’engagement solidaire » ainsi que « tous les autres documents dont le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice aura exigé expressément la remise d’un document signé. »
– Au nouvel article 17, et en complétant le dispositif en projet, il avait été suggéré par le Conseil d’Etat de rendre inapplicable — en cas de procédure dématérialisée — une série d’articles du RMP 2018. Cette proposition a été entérinée dans le nouveau texte, à l’exception de la non-applicabilité de l’article 78 du RMP 2018 qui concerne la possibilité pour les soumissionnaires de demander la copie du procès-verbal d’ouverture des offres.
Il faut remarquer que la mise en pratique de ces dérogations est potentiellement source d’insécurité juridique alors que l’article 77 du RMP 2018 — qui impose l’établissement d’un procès-verbal de la séance d’ouverture des offres — fait partie des dispositions rendues inapplicables en cas de procédure dématérialisée.
On peut dès lors s’interroger sur la manière dont le pouvoir adjudicateur devra documenter son processus d’ouverture électronique des offres, et fournir, le cas échéant, ce document aux soumissionnaires qui lui en font la demande en vertu de l’article 78 du RMP 2018.
En ce qui concerne les modifications du RMP 2018, il s’agit principalement des modalités de communication qui ont fait l’objet d’une refonte en prévoyant que lorsque le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice a opté pour l’utilisation de moyens électroniques, les échanges doivent être principalement effectués via le Portail des marchés publics.
Cette obligation concerne les demandes d’informations, la fourniture de renseignements supplémentaires, le signalement des erreurs, le processus de justification des prix, la transmission de réclamation, la notification de la décision d’attribution, etc.
Certaines dispositions du RMP 2018 n’ont cependant pas été impactées et ceci risque d’aboutir à des situations quelque peu incohérentes. Ainsi, si la notification de la décision d’attribution doit être réalisée via le Portail des marchés publics (article 97 §1 du RMP 2018), la disposition concernant les soumissionnaires évincés n’a pas été retouchée (Article 97 §2 du RMP 2018).
De la même manière, les demandes de certificats et attestations du Centre Commun de la Sécurité Sociale et des autorités fiscales doivent être réalisées via le Portail des marchés publics (article 90 du RMP 2018), mais il aurait pu être intéressant d’imposer leur fourniture via ce moyen également.
A titre de dernier exemple, seule la justification des prix des soumissionnaires est visée par une modification (article 89 §3 du RMP 2018), alors que la réglementation luxembourgeoise prévoit aussi la possibilité de demander la communication des détails des offres des sous-traitants (article 89 §2 du RMP 2018), disposition qui ne figure pas parmi celles qui ont été amendées.
Ainsi, même s’il aurait été possible d’aller plus loin dans le processus de dématérialisation, la modification de ces deux règlements permet d’apporter des clarifications au niveau des obligations à respecter lorsqu’un acheteur public est obligé de se conformer à l’utilisation de moyens électroniques dans ses procédures (ou s’il s’y oblige volontairement), mais laisse néanmoins quelques zones d’ombres au niveau du processus pratique, le principal écueil étant lié à l’incertitude des obligations à respecter au niveau de l’établissement du procès-verbal de la séance d’ouverture des offres.